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Photo du rédacteurLa Gerbe - Lézan

Complainte d'un petit enfant


Quand un enfant est accueilli en urgence à la Ferme Claris avec sa maman, il a lui aussi besoin d'être rassuré. L'acquisition de la parole aide les plus grands à exprimer leurs émotions. Mais le langage du corps aussi est important et son écoute attentive nous permet d'apporter à chacun le soutien dont il a besoin. Parce que la détresse d'un tout-petit se perçoit à travers son comportement :

"Maman, maman, qui va s’occuper de moi ? J’ai besoin de sécurité. Toi, tu t’agites, tu pleures. Maman, ne me laisse pas. J’ai trop peur de te perdre…

A peine quelques cheveux sur ma tête, mais déjà bien des tourments… Depuis qu’on a quitté notre maison, la vie a changé pour nous. Ma maman, elle est triste. Souvent, la nuit, elle a besoin de me serrer contre elle.

Dans notre nouvelle maison ma maman discute avec d’autres dames. D’un air grave, sérieux. Moi je bâille, mes yeux me piquent : je les frotte avec mes deux petits poings. Alors une voix très douce murmure : « Votre enfant a sommeil, il faudrait le mettre dans son lit…»

Je commence à répéter quelques mots, à nommer les choses. Autour de moi on rit, on me félicite. Ma maman, elle est fière de moi. Un sourire éclaire son visage.

Elle aime bien faire des jeux avec les autres dames, ma maman. Moi aussi j’ai envie de jouer. J’attrape les pions sur la table, je les lance. Mais une autre maman n'a pas l'air contente, on me pose par terre : moi je ne comprends pas.

Ma maman, elle sort sur la terrasse. Vite, je la suis en courant. Mais mes petites jambes ne sont pas assez rapides. Elle referme la porte derrière elle, allume une cigarette. Moi je frappe à la vitre. Elle a besoin d’être seule, ma maman.

Des fois on se retrouve avec les autres enfants et les grandes personnes. Ils lisent ensemble des histoires dans un livre et ils discutent. Ils chantent tous. J’aime écouter, ça me fait du bien. J’applaudis et tout le monde rit.

Moi je n’aime pas quand elle parle au téléphone, ma maman. Elle fait parfois de grands gestes, le ton de sa voix monte. Un jour, elle s’est mise à crier, à pleurer. Puis elle est arrivée brusquement vers moi : « Personne ne te prendra ! Tu es à moi !... » Ces traits durs, ces yeux exorbités… je ne reconnaissais plus ma maman. Mon cœur s’est mis à battre très fort. Alors d’autres bras se sont ouverts et j’ai consenti à m’y blottir. Mais j’avais peur de dormir. On me berçait en chantant doucement. Un dernier sanglot, un profond soupir, et j’ai déposé mon chagrin…

A mon réveil j'ai couru dans le jardin vers les lapins. J'aime bien les caresser, ils sont si doux."

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